Rapport de l’ANSM sur les antalgiques: points clés

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CENTRE D'ADDICTOVIGILANCE DE PARIS (CEIP-A)

Rapport de l’ANSM sur les antalgiques: points clés

Les médicaments opioïdes en France (Rapport ANSM antalgiques)

Les overdoses mortelles dues aux analgésiques opioïdes sont en augmentation dans le monde selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). L’Amérique du Nord et notamment les États-Unis qui vivent en ce moment « la crise des opioïdes » : 90 américains meurent d’une overdose aux opioïdes chaque jour. Qu’en est-il de la situation en France ? L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) s’est penchée sur le sujet et a récemment publié un rapport sur l’état des lieux de la consommation des antalgiques opioïdes et leurs usages problématiques en France. Le centre d’Addictovigilance de Paris résume les points clé du rapport.

Qu’est-ce qu’un antalgique opioïde ?

Il s’agit de substances qui miment les effets des opioïdes endogènes et sont utilisées dans le traitement de la douleur. On les classe en deux catégories en fonction de leur puissance pharmacologique : les opioïdes faibles (tramadol, codéine, poudre d’opium) et les opioïdes forts (morphine, oxycodone, fentanyl) (cf. figure 1). Les effets indésirables sont communs aux deux catégories : constipation, nausée, vomissements, dépression respiratoire, trouble de la vigilance, tolérance et dépendance.

 

Figure 1: Les différentes classes de médicaments opioïdes. Source : Le parisien (adapté par le CEIP-A de Paris)

Quelle est la situation en France ?

Les antalgiques les plus consommés en France en 2017 sont ceux qui ne contiennent pas d’opioïdes (paracétamol, aspirine, anti-inflammatoires non stéroïdiens).

A partir de 2009, on observe une diminution de l’usage des antalgiques opioïdes faibles en rapport avec le retrait progressif du marché de l’association dextropropoxyphène/paracétamol (DI-ANTALVIC®). Parallèlement, la courbe des antalgiques non opioïdes et AINS reste quasi-stable traduisant l’absence de report vers cette famille d’antalgiques. On note que la courbe des antalgiques non opioïdes (paracétamol /Aspirine) décrit une progression ascendante depuis 2006.

La publication de Chenaf et al. 2018, à partir des données du SNIIRAM, a montré que la majorité des patients initialement sous dextropropoxyphène n’ont pas repris d’antalgique (74%). Pour les autres, le report a été vers un antalgique non opioïde ou un opioïde faible. (cf. figure 2 et figure 3)

Figure 2 : Évolution de la consommation des antalgiques en France entre 2006 et 2017

Figure 3 : Évolution des antalgiques opioïdes faibles avec le retrait du commerce du dextropropoxyphène en France

La figure 3 illustre les reports possibles vers les opioïdes faibles suite à l’arrêt de commercialisation du dextropropoxyphène.

Le 25 juin 2009, l’agence européenne donne un avis défavorable au maintien sur le marché des médicaments contenant du dextropropoxyphène. Dès Juin 2009, l’AFSSAPS a recommandé de ne plus instaurer de nouveau traitement avec le dextropropoxyphène et de procéder à la réévaluation du traitement des patients sous dextropropoxyphène. Le dextropropoxyphène a été retiré du marché français en mars 2011.

Par ailleurs, on observe une augmentation de la consommation de plusieurs autres médicaments opioïdes en France entre 2006 et 2017.

  • + 68%pour le tramadol qui est l’antalgique opioïde faible le plus consommé (cf. figure 4)
  • + 738%pour la consommation d’oxycodone (opioïde fort) (cf. figure 5)

 

Figure 4 : Évolution de la consommation des principaux opioïdes faibles en ville en France (La chute des codéinés correspond au changement de règlementation avec prescription obligatoire)

Qui est concerné par la prise d’antalgiques opioïdes?

L’étude une Décennie d’ANtalgiques En France (DANTE) dirigée par le CEIP-A de Bordeaux dessine un profil de patients :

Chenaf, Kabore, Delorme, Pereira, Mulliez, Zenut, Delage, Ardid, Eschalier, Authier.  Prescription opioid analgesic use in France: Trends and impact on morbidity-mortality. European Journal of Pain. 2018 Jul 27

Qu’en est-il de la surveillance ?

Les données de la Banque Nationale de PharmacoVigilance (BNPV) montre, entre 2005 et 2016, une augmentation significative de 44/10000 à 87/10 000 notifications d’effets indésirables impliquant des antalgiques opioïdes. (cf. figure 6)

Figure 6 : Évolution des notifications d’intoxication aux antalgiques opioïdes entre 2005 et 2016 dans la BNPV

Entre 2005 et 2016 :

  • 2762 cas d’intoxication sont rapportées dont 49% aux opioïdes faibles, 47% aux opioïdes forts et 4% une association des deux. Le tramadol, la morphine et l’oxycodone sont les antalgiques opioïdes les plus impliqués. Soixante-dix-huit pourcent des intoxications étaient graves.
  • 304 décès par intoxication par un antalgique opioïde sont recensés: le tramadol et la morphine sont les plus impliqués dans les décès par overdose accidentelle. Les données du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDC) montrent que les décès liés aux opioïdes ont triplé en 15 ans (4 décès par semaine).

Zoom sur l’oxycodone

L’usage de l’oxycodone a augmenté de 738 % en 11 ans: il s’agit du 2ème antalgique opioïde fort le plus consommé derrière la morphine. La part des notifications concernant l’oxycodone augmente également et concerne surtout des hommes de 40-45 ans dont le motif  de la prise est le traitement d’une douleur.

Les actions de l’ANSM

 

 

Conclusion 

La situation en France n’est pas comparable avec la crise des opioïdes américaine, grâce notamment à l’organisation du système de soin : la prescription, la dispensation et la prise en charge des médicaments opioïdes ainsi que l’information auprès des professionnels de santé et du public sont très encadrées. Malgré tout, on note une augmentation de l’usage notamment de l’oxycodone (opioïde fort) et du tramadol (opioïde faible). Le réseau d’Addictovigilance et l’ANSM maintiennent leur vigilance concernant tous les opioïdes afin de prévenir toute éventuelle crise des opioïdes.

En France,   l’augmentation d’usage des opioïdes est certainement liée à une meilleure prise en charge de la douleur, qui est un enjeu de Santé Publique. Il faut mettre en balance cette bonne prise en charge par rapport au risque de dépendance. Il existe des outils pour évaluer ce risque de mésusage : le questionnaire ORT (Opioid Risk Tool) lors de l’instauration du traitement et lors du renouvellement, l’échelle POMI (Prescription Opioid Misuse Index).