NPS – Kilocaine

Un site utilisant Réseau HU Paris 10

CENTRE D'ADDICTOVIGILANCE DE PARIS (CEIP-A)

NPS – Kilocaine

La KILOCAINE, nouveau nootrope du web

Proposée principalement sur des sites de ventes Internet, lorsque sa composition est précisée, la kilocaïne est présentée comme mélange de plusieurs molécules : le 4-fluorométhylphénidate (4F-MPH) associé à un anesthésique local (par exemple la lidocaïne). Retrouvée sous forme de poudre de couleur blanche à légèrement orangée ou de comprimés, la kilocaïne peut être utilisée par voie orale, nasale, injectable ou bien encore inhalée.

Face aux effets psychiatriques graves qu’elle peut entraîner, de même que devant le phénomène dépendance rapporté, le CEIP-A de Paris a décidé de faire le point sur ce Nouveau Produit de Synthèse (NPS).

 

1) Le 4-fluorométhylphénidate (4F-MPH)

Détecté pour la première fois en 2015 par l’Early Warning System (EWS), Système d’Alerte Précoce de l’Observatoire Européen des Drogues (EMCDDA), le 4-fluorométhylphénidate ou 4F-MPH fait partie des Nouveaux Produits de Synthèse disponibles sur le marché des drogues [1].

Dérivé du methylphénidate, peu d’informations existent à l’heure actuelle sur le 4F-MPH. Il aurait été développé comme potentiel médicament dans le traitement de la fibromylagie et de la dépendance à la cocaïne [2]. Aucune autorisation de mise sur le marché n’a été délivrée à ce jour.

Il fait partie, comme de nombreux autres RC-phénidates (Research Chemicals), des analogues du methylphénidate, médicament stupéfiant  prescrit en France dans le traitement du trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) chez l’enfant à partir de 6 ans et de la narcolepsie avec ou sans cataplexie (forme à libération immédiate) [3].

=> Structure chimique et activité pharmacologique du 4F-MPH

De par sa structure spécifique et le groupement fluor en position para du cycle phényle du MPH, le 4F-MPH est plus puissant que le MPH. Son affinité serait 3 fois plus grande pour les transporteurs de dopamine (DAT) et 2.5 fois plus puissante sur les transporteurs de noradrénaline (NET). En revanche, le groupement fluor n’augmente pas la puissance d’affinité sur les transporteurs de sérotonine (SERT) comme présenté dans le tableau ci-dessous [2,4].

=> Expériences des usagers

Devant le peu de données scientifiques publiées sur le 4F-MPH, l’analyse des contenus des forums d’usagers se révèle être une source d’informations complémentaires sur les pratiques et usages de ce NPS.

Ceux-ci rapportent une grande variabilité d’aspect et d’odeur de la poudre d’un échantillon de 4F-MPH à l’autre. Cela est d’ailleurs une problématique connue pour les NPS vendus sur Internet. Des variations pour un même produit vendu, tant qualitative (molécule réellement présente dans l’échantillon) que quantitative (pureté du produit), se retrouvent d’un site de vente à l’autre ou bien au fil du temps chez le même vendeur.

Bien que relativement apprécié par les usagers, le 4F-MPH est également bien reconnu des usagers pour les effets indésirables que sa consommation occasionne. Comme les autres dérivés amphétaminiques (phénéthylamines), des effets tels que : tachycardie, mydriase, bouche sèche, bruxisme (serrement des mâchoires), dyskinésie (mouvements involontaires), hyperthermie, perte de l’appétit, difficulté d’endormissement sont rapportés, faisant des usagers des auto-régulateurs de l’utilisation du 4F-MPH pour leurs pairs et des acteurs de prévention de 1ère ligne. De plus, la consommation par voie nasale est souvent décrite comme douloureuse. Des troubles psychiatriques avec délire, paranoïa, hallucinations, psychose sont décrits. Enfin, des cas de dépendance ont été rapportés avec le 4F-MPH : le craving, l’envie irrépressible de vouloir  en consommer à nouveau  est souvent mentionné.

Concernant les effets de stimulation recherchés, le 4F-MPH est ressenti comme plus puissant que les autres phénidates (2 à 4 fois plus puissant que le MPH selon les sources d’usagers). Ils décrivent des effets apparaissant environ 40 min après la prise orale de 4F-MPH, une durée d’action de plusieurs heures qui est suivie par une phase de stimulation résiduelle. La stimulation recherchée est principalement à relier à la pratique d’une conduite dopante  (usage académique ou professionnel) plus que dans un contexte récréatif.

 

2) la lidocaïne

Anesthésique local souvent détourné en tant qu’adultérant des drogues incorporé au moment de la distribution par les revendeurs, la lidocaïne a déjà été retrouvée en France associée à l’héroïne, la cocaïne ou bien même vendue pour telle. De même, le NPS synthacaïne, vendu un temps sur internet comme dérivé synthétique de la cocaïne était un mélange de plusieurs molécules, en général diméthocaïne 50% et camfétamine 50% mais possiblement également de la lidocaïne, méthiopropamine, benzocaïne ou le 2 amino-indole.

 

Point important

Malgré toutes les caractéristiques qui peuvent les rapprocher du méthylphénidate, le 4F-MPH ainsi que tous les autres dérivés phénidates ne sont pas des médicaments et ne peuvent remplacer ceux qui ont une autorisation de mise sur le marché. Il est important de rappeler que le MPH est inscrit sur la liste des stupéfiants et que sa prescription est très encadrée pour un bon usage du produit et un rapport bénéfice/risque optimal. L’utilisation de ces designer drugs est dangereuse d’autant plus que la composition réelle reste méconnue et qu’ils échappent à tout contrôle de fabrication.

Pour toute information complémentaire, le CEIP-A de Paris se tient ainsi à votre disposition au 01.40.05.42.70.

 

Références

[1] EMCDDA–Europol. Annual Report on the implementation of Council Decision 2005/387/JHA 2015. http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-10429-2016-INIT/en/pdf

[2] McLaughlin G et al. Analytical characterization and pharmacological evaluation of the new psychoactive substance 4-fluoromethylphenidate (4 F-MPH) and differentiation between the (±)-threo- and (±)-erythro- diastereomers. Drug Test Anal. 2017 Jan 19. doi: 10.1002/dta.2167.

[3] ANSM. Présentation des résultats complets de l’enquête officielle d’addictovigilance des spécialités contenant du méthylphénidate 2016. http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/1a27da9b85d2747ea00f3c409968b32b.pdf

[4] Misra M, Shi Q, Ye X, Gruszecka-Kowalik E, Bu W, Liu Z, Schweri MM, Deutsch HM, Venanzi CA.Quantitative structure-activity relationship studies of threo-methylphenidate analogs. Bioorg Med Chem. 2010 Oct 15;18(20):7221-38. doi: 10.1016/j.bmc.2010.08.034.