Etat des lieux du Baclofène en France en 2013

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Etat des lieux du Baclofène en France en 2013

1. Le Baclofène avant 2008

Le baclofène est un analogue structural du GABA, récepteur GABA-B.(1)

Le Baclofène est un médicament autorisé depuis 1975 sous le nom commercial Liorésal® avec pour indication le traitement des contractures musculaires pouvant survenir notamment dans la sclérose en plaques ou dans certaines affections de la moelle épinière.

Dans l’indication de l’AMM, le schéma posologique recommandé chez l’adulte débute à 15 mg par jour de baclofène par voie orale en 2 à 3 prises et augmente progressivement jusqu’à obtention d’une dose quotidienne qui se situe entre 30 et 75 mg par jour. En milieu hospitalier, des posologies journalières de 100 à 120 mg peuvent être atteintes. Si l’objectif thérapeutique n’est pas obtenu après 6 à 8 semaines de traitement aux doses maximales, la poursuite du traitement doit être reconsidérée.

L’arrêt du traitement, doit se faire progressivement, sur plusieurs jours et sous surveillance médicale en raison d’un syndrome de sevrage en cas d’arrêt brutal.

2. Etat des lieux du traitement de l’alcoolo-dépendance

L’alcoolo-dépendance est une maladie chronique sévère et mortelle.

Le traitement actuel de l’alcoolo-dépendance se partage aujourd’hui entre réduction des risques, traitement du syndrome de sevrage et maintien de l’abstinence et doit toujours s’accompagner d’un soutien psychologique et social.

Le traitement du syndrome de sevrage est essentiellement basé sur l’hydratation et les benzodiazépines, il peut être hospitalier ou ambulatoire.

Le maintien de l’abstinence passe aujourd’hui par des traitements psychothérapeutiques (Thérapie comportementale et cognitive …).  Quelques médicaments peuvent aider à diminuer la consommation d’alcool ou à maintenir l’abstinence : acamprosate (Aotal°), naltrexone (Revia° ou autre), nalméfène (AMM récente). Mais leur efficacité est modérée et leurs effets indésirables parfois gravesµ.  (2)

3. Le baclofène dans l’alcoolo-dépendance

Le baclofène est devenu célèbre suite à son utilisation à un dosage très élevé (270 mg) par un médecin,  pour soigner sa propre alcoolo-dépendance. Une expérience qu’il a rapporté dans un ouvrage de 2008 (3).

D’après ce médecin-patient, le baclofène permettrait de supprimer l’envie de boire de l’alcool et d’obtenir une maîtrise de la consommation.

4. Evolution depuis 2008

Les chiffres de vente du baclofène ne cessent d’augmenter depuis 2008 et les principales prescriptions hors AMM proviennent des généralistes (N=16000) en première position, suivi des praticiens hospitaliers (N=4000) (4).

C’est dans ce contexte que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a autorisé en 2012 deux essais cliniques, un en médecine de ville (Bacloville) et l’autre en milieu hospitalier (Alpadir) et a également élaboré un point d’information sur l’utilisation du baclofène dans l’alcoolo-dépendance. Ces études ont pour but d’établir le profil d’efficacité et de tolérance du baclofène dans cette indication et à ces posologies élevées.

Alors que les effets indésirables à doses modérées (RCP) du baclofène sont bien cernés : somnolences, nausées en début de traitement, troubles neuropsychiques, syndromes de sevrage et dépendances, etc , les effets indésirables à dose élevée sont moins connus mais potentiellement graves : confusions, états maniaques, voire risque suicidaire accru. (2)

5. Vigilance

L’interprétation du bilan 2012 de pharmacovigilance (PV) (69 notifications en 2011) doit prendre en compte une sous-notification probablement très importante des effets indésirables du baclofène lors de la prise en charge de l’alcoolo-dépendance. Cette sous-notification peut s’expliquer par l’usage hors AMM du baclofène en plus de la sous-notification habituelle connue en PV.

En mai 2012, la commission nationale de PV a estimé  que l’incidence annuelle des cas d’exposition au baclofène dans un contexte de conduite suicidaire avait doublé : cela constitue un signal «potentiellement alarmant» qui fait craindre un risque suicidaire accru induit par le baclofène (2).

Compte tenu de cette sous-notification, il n’existe pas actuellement de signal remettant en cause la poursuite de cette utilisation.

Une meilleure connaissance du profil de sécurité d’emploi du baclofène reste absolument nécessaire et justifie de maintenir une surveillance très active.

La déclaration en pharmacovigilance étant désormais ouverte aux particuliers ceux-ci doivent être informés de cette possibilité  de déclarer les effets indésirables (même bénins) d’un médicament.

La sous-déclaration en pharmacovigilance

La sous-déclaration en pharmacovigilance vue par un dessinateur

6. Recommandation temporaire d’utilisation (RTU)

A l’occasion du colloque « ALCOOL : PLUS DE CENT MORTS PAR JOUR , CA SUFFIT !
PLACE DU BACLOFÈNE AUJOURD’HUI DANS LA LUTTE CONTRE L’ALCOOLISME »  du 3 juin 2010, Dominique Maraninchi, directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a annoncé la mise en place prochaine d’une RTU pour le baclofène dans le traitement de l’alcoolo-dépendance.

La mise en place du dispositif de RTU pour le baclofène doit permettre un meilleur cadre de prescription du baclofène ainsi qu’une meilleure évaluation de la balance bénéfice-risque et implique la possibilité d’un remboursement par la sécurité sociale dans cette indication.

La RTU prévoit les modalités de suivi des patients et de recueil des informations relatives à l’efficacité, à la sécurité et aux conditions réelles d’utilisation de la spécialité (suivi des patients financé par le laboratoire).

Jusqu’à présent il est entendu que le traitement par baclofène ne peut être envisagé qu’au cas par cas, prescrit et surveillé par des praticiens expérimentés dans la prise en charge de l’alcoolo-dépendance avec une adaptation posologique individuelle et une surveillance rapprochée de la réponse thérapeutique et de la survenue des effets indésirables.

 

Déclarer un effet indésirable du baclofène

Références

(1) Société Française d'Alcoologie- 2010 - Rapport sur le Baclofène
(2) La revue Prescrire - Mai 2013 -  Baclofène et patients en alcoolo-dépendance sévère
(3) Olivier Ameisen, Editions Denoël - 2008 - Le Dernier Verre
(4) Données CNAMTS présentées au Colloque du 3 juin 2013